2023 Catherine Henkinet – Hybrides – Après le déluge

Après le déluge

Sans distinction de genres ou d’espèces, l’artiste Maen Florin (BE, °1954), puise son inspiration dans tout le vivant et se nourrit des relations qui peuvent se tisser d’un être à un autre. Pour cette dernière série initiée en janvier 2023, on trouve dans son univers des végétaux anthropomorphes et des créatures hybrides qui sont représentés selon la même échelle de valeurs et unis sur un même sol. Par un croisement de formes mi-humaines, mi-animales ou mi-végétales ; elle souligne le trouble d’une société dont les modèles anthropocentriques doivent être repensés vers plus d’inclusivité.

Au départ de la glaise, en tant que sculptrice, elle façonne ce trouble par ses mains comme autant de cauchemars enfouis à triturer, comme autant de projections SF à faire émerger. L’acronyme SF est ici à prendre au sens large tel que l’a formulé Donna Haraway[1] : « Ces deux lettres peuvent faire référence à la Science-Fiction, à la science fantasy, aux fabulations spéculatives, aux faits scientifiques ou encore aux jeux de ficelles ». Le travail de cette artiste invite à composer de nouveaux récits afin de réfléchir à notre position dans le monde. D’ouvrir à d’autre modèles de pensée comme la symbiose ou le développement de nouveaux réseaux biologiques pour une théorie de l’évolution plus perméable, moins située, comme le propose la philosophe des sciences Donna Haraway.

Dépasser la vision anthropocène[2] élitiste et destructrice, c’est ouvrir le champ des possibles en prêtant attention à d’autres modes de pensée et de vie, à ce qui nous entoure, ce qui existe, ce qui vit même de manière invisible ou encore inconnue. A l’exemple de ces coraux ou de ces mollusques sculptés avec des formes humaines. Ces éléments vivants sont représentés en nombre dans les dernières pièces de Maen Florin mais d’habitude ils sont sous-valorisés, enfouis dans leurs profondes ténèbres. Ces pieuvres, seiches , et autres espèces souples sont parmi les plus anciennes du règne animal et certaines possèdent même la capacité de pouvoir rajeunir[3]… Dès l’antiquité, les récits mythologiques leur attribuaient des pouvoirs divins. Grâce à cette artiste, Iels reprennent leur place au sein de nos histoires.  Un passage spéculatif vers d’autres mondes poétiques et sensibles où toute union serait possible.

Une œuvre qui déploie les multiples tentacules du vivant pour penser un avenir commun. Soyons donc pour un instant ou une éternité, les nouvelles gorgones s’opposant à l’être humain resté de pierre face aux destructions massives qu’il inflige à la terre. Construisons une nouvelle arche pour tous.tes les réfugié.e.s de l’anthropocène.

 

Catherine Henkinet
Commissaire d’exposition et critique d’art A.I.C.A.

 

[1] Donna J. Haraway, Vivre avec le trouble (trad.de l’anglais pas Vivien Garcia), Les Editions des mondes à faire, Vaulx-en-Velin, 2020 (Edition traduite en français), p.22
(Première publication en anglais, 2016, Duke University Press).

[2] Anthropocène (du grec anthropos, homme,  et kainos, nouveau) : Période actuelle des temps géologiques, où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète (biosphère) et les transforment à tous les niveaux. (On fait coïncider le début de l’anthropocène avec celui de la révolution industrielle, au XVIIIè siècle) in : www.Larousse.fr

[3] Pour exemple : Le Turritopsis dohrnii, espèce de méduses de la classe des hydrozaires à la particularité d’avoir une capacité d’immortalité biologique par inversion de processus du vieillissement, pour plus d’informations, voir : Turritopsis dohrnii  in : www.fr.m.wikipediaPour exemple : Le Turritopsis dohrnii, espèce de méduses de la classe des hydrozaires à la particularité d’avoir une capacité d’immortalité biologique par inversion de processus du vieillissement, pour plus d’informations, voir : Turritopsis dohrnii  in : www.fr.m.wikipedia